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Pen Ar Ster, un estuaire à préserver

Un citoyen de Treffiagat interroge Annick LE LOC'H, députée de la circonscription

 

Treffiagat, 03.05.2012

 

Jean-Luc Le Cleac'h

11 allée du Steir      29730 Treffiagat

à

Madame la Députée

Résidence Pierre Pichavant   29120 Pont l'Abbé

 

 

Madame la Députée,

je me tourne vers vous aujourd'hui afin de connaître votre position sur le projet de création d'un port de plaisance dans l'arrière port du Guilvinec – Treffiagat.

Je souhaite également vous faire part d'opinions qui s'expriment dans la population, sans pour l'instant nécessairement trouver une expression publique, dans la presse par exemple.

Depuis quelques mois il est question d'un projet de création d'un vaste port de plaisance (on parle de la création de 800 « anneaux ») dans ce qui constitue l'arrière port du Guilvinec, un espace administrativement divisé entre les communes de Treffiagat et du Guilvinec.

Vous aurez noté, comme moi, l'insistance mise par les élus porteurs du projet à user d'un registre négatif à chaque fois qu'il s'agit d'évoquer l'état actuel de cet espace : « délaissé » « espace vaseux » « espace à l'abandon, sans affectation » etc. Cette offensive sémantique est destinée à présenter comme une avancée, un progrès, un éventuel port de plaisance.

Dans la presse, à chacune des interventions relatives à ce projet, le ton est celui de l'affirmation, présentant la réalisation de ce port comme une évidence, une simple question de temps.

Pourtant nombreuses sont les personnes qui émettent des réserves de nature diverse, sur ce projet. Même si dans le cadre restreint d'un courrier il n'est pas possible de développer ces réserves exprimées, je vous livre néanmoins quelques unes des interrogations entendues :

Loin d'être un délaissé, un espace perdu ou un lieu vide, l'arrière port, la ria, le steir Guilvinec (peu importe le nom qu'on lui donne) est au contraire un espace vivant, vital même pour la reproduction de nombreuses espèces côtières, non seulement des poissons mais aussi des céphalopodes (les seiches par exemple) C'est un lieu de vie intense, une véritable nurserie pour de nombreuses espèces maritimes.

Alors que la commune de Lesconil est en passe d'aboutir dans son projet de remettre plus largement en eau sa ria, il serait paradoxal qu'au même moment la commune du Guilvinec envisage de condamner la sienne !

Dans le même ordre d'idée, il est étonnant que le maire de Treffiagat se félicite de l'absence d'envasement actuel (preuve du bon fonctionnement de la ria...) et en tire argument en faveur du projet de port : il paraît pourtant relever du simple bon sens que l'ajout de 800 bateaux et des infrastructures destinées à les accueillir (pontons, corps morts...) modifieraient radicalement le régime des eaux et dans un sens négatif. Il n'est pas d'ailleurs pas un seul port de plaisance qui, au bout de quelques années, ou quelques dizaines d'années dans le meilleur des cas, ne nécessite d'être désenvaser. L'ancien préfet du Finistère disait, au sujet du port de plaisance de Bénodet: «Désenvaser ? Pour recommencer au bout de 15 ans !... »

Ce projet de port a reçu en 2011 le label « port exemplaire » par le Ministère de l'Écologie, sans que les critères qui conditionnent l'obtention de ce label soient précisés. Tout au plus peut-on noter que la ministre UMP chargée de l'Écologie a décerné ce label à deux villes dirigées par des élus UMP...

L'un des motifs qui a permis l'obtention de ce label, réside semble-t-il, dans le fait que les pêcheurs professionnels, par l'intermédiaire du Comité local des pêches, sont favorables au projet... Cet acquiescement est étonnant à plus d'un titre, car la réalisation d'un port de plaisance de 800 places génèrerait tout de même quelques nuisances : à supposer qu'un nombre limité de bateaux de plaisance quitte effectivement les pontons, ces entrées et sorties du port occasionnent des désagréments pour les marins professionnels. il est permis de penser que l'interdiction envisagée des heures d'entrée et de sortie du port de plaisance (interdiction aux plaisanciers entre 16h00 et 18h00) sera un motif de friction, surtout l'été.

Mais je suis surpris que la concurrence engendrée par les pêcheurs plaisanciers n'appellent pas de commentaires de la part du Comité local des pêches : un simple calcul, même grossier, suggère ceci : imaginons que 10% seulement des plaisanciers utilisent effectivement leur droit de pêche ; cela se traduirait par une augmentation d'environ 80 navires, capables à pêcher dans les eaux littorales (filet, casiers) il s'agirait là d'une concurrence de fait avec les professionnels, non pas en terme de commerce puisque la vente de poissons est interdite aux plaisanciers, mais en matière de ressources marines, dans une bande côtière déjà très sollicitée, et dont la ressource n'est pas inépuisable.

L'un des arguments invoqué en faveur de la réalisation de ce port, tiendrait en ce que la plaisance manque de places en Bretagne : faut-il au nom de « places manquantes » (?) dans les ports de plaisances accepter de laisser défigurer tous les arrières ports, toutes les anses et abris naturels du Finistère (et d'ailleurs) ? Pour l'industrie nautique, je crains qu'il y ait toujours insuffisance de places... Notons par ailleurs qu'un port, presque vide de bateaux de pêche hélas, existe à peu de distance ; il s'agit de Lesconil.

Enfin, sachant que le nombre de jours de sortie des navires de plaisance dans les ports de l'Atlantique, est en moyenne de l'ordre de 6 jours et demi par an, n'est-il pas temps d'envisager d'autres solutions que des ports de plaisance traditionnels ? (ports à sec par exemple...)

Il semble que le premier attrait des côtes bretonnes réside justement dans son caractère encore sauvage et préservé en de nombreuses portions du littoral, grâce entre autres à l'action du Conseil général. Au moment où, de plus en plus nombreuses, les communes prennent conscience de l'importance de l'environnement naturel et du potentiel qu'il représente, et représentera encore davantage demain, la position des communes de Guilvinec-Treffiagat apparait singulièrement à contre temps.

Gageons que les maires respectifs des communes concernées, lorsqu'ils partent en vacances, préfèrent les lieux « authentiques » et orignaux, aux sinistres « parking à bateaux » que constituent trop souvent les ports de plaisance (Cf, La Trinité sur Mer, La Rochelle...)

Ce projet discutable et discuté, est loin de faire l'unanimité parmi les populations concernées des deux communes ! Si les opposants ou les personnes dubitatives ne se font pas davantage entendre publiquement, c'est bien entendu en raison de la création d'emplois, un aspect largement mis en avant par les promoteurs du projet. Mais compte tenu des sommes considérables en jeu, en ces temps d'argent public rare, qu'est ce qui garanti que des sommes équivalentes investies dans le secteur de la pêche n'aboutiraient pas à la création d'autant, sinon plus, d'emplois ?

Un aspect qui choque également certains habitants, est la manière assez peu élégante avec laquelle la pêche est présentée comme une activité du passé, l'avenir étant bien entendu dans la plaisance et le tourisme... Si d'une manière générale la pêche traverse une période de crise structurelle, tous les secteurs de la pêche ne sont pas pour autant condamnés, fort heureusement ! Il est hors de notre propos de nier l'importance du tourisme dans notre secteur géographique, mais remarquons simplement que si le tourisme existe à Guilvinec, c'est aussi parce qu'il existe un port de pêche. Attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain !

D'autre part, le montage financier annoncé furtivement, laisse songeur : une création financée sur fonds publics semble-t-il, mais une gestion ultérieure laissée à une entité juridique (?) associant public et privé...

Pour l'instant la population n'a pas été consultée et n'a pas eu eu l'occasion de faire valoir son point de vue, ni même d'exposer les questions que ne manquent pas de susciter un projet de pareille envergure. Il est évident qu'un exécutif ne peut pas consulter la population à chaque travaux engagés, mais en l'occurrence Il s'agit ici d'une transformation majeure et irrémédiable d'un vaste espace commun. Il y a là une attitude qui ressemble à un déni de démocratie. Une partie de la population vit cette situation comme une tentative de « mise devant le fait accomplit. »

La place manque pour envisager d'autres aspects pourtant importants (la destruction de l'actuel pont qui permet aux personnes âgées de Léchiagat d'accéder à des commerces ; la recomposition inévitable de la population induite par ce projet, avec de nombreuses conséquences, en terme de géographie électorale par exemple, etc. ) 

Ce projet de création d'un port de plaisance rappelle, mutatis mutandis, la destruction partielle de la grande mosquée de Cordoue, au XVe siècle, pour permettre la construction d'une église baroque tout à fait quelconque, ce qui inspira à Charles Quint le commentaire suivant : « Vous avez détruit ce qui ne se voyait nulle part ailleurs au monde, pour faire ce que tout le monde fait » Tous ces ports de plaisance sans âme et interchangeables d'un bout à l'autre de l'Europe, relèvent de cette banalisation des paysages et des lieux.

Pour l'instant, je ne perçois pas clairement les positions respectives du Conseil Général et du Conseil Régional sur l'éventuelle création d'un port de plaisance au Guilvinec-Treffiagat.

Dans ce contexte, je souhaiterais savoir quel est votre point de vue d'élue de la circonscription par rapport à ce projet.

 

Je vous prie d'agréer, Madame la députée, l'expression de ma haute considération.

 

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Pen Ar Ster, un estuaire à préserver
  • L'arrière-port du Guilvinec-Léchiagat est d'une remarquable biodiversité et une nourricerie indispensable pour le repeuplement de la mer. Bien plus qu'en faire un parking à bateaux, il faut le préserver et lui rendre une dynamique encore plus forte.
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