L'arrière-port du Guilvinec menacé : réagissez à ce scandale!
Arrière-port du Guilvinec-Tréffiagat : alerte !
ou la destruction programmée d'un estuaire vivant.
photo Alain Thomas
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Le 2 février 2012, les lecteurs de Ouest France pouvaient lire, avec une certaine stupéfaction, les quelques lignes reproduites ci-dessous. Elles se réjouissaient de l'excellence d'un projet dont une lourde promotion a déjà été orchestrée, alors que rien n'en a encore été divulgué : le creusement d'un port de plaisance de cinq cents places dans la ria située en arrière du port du Guilvinec.
Voici ces quelques paroles :
"les 2 communes signataires d'une charte de gestion durable et intégrée du littoral ... maîtrise totale des impacts sur le milieu par intégration du futur port dans un corridor écologique .... éco-conception de l'ensemble, tout ouvrage côtier immergé devenant outil de préservation de la biodiversité".
Constitution d'un collectif d'associations
Un collectif s'est constitué, Au Nom du Ster, qui n'entend pas laisser la parole aux seuls promoteurs de ce projet : il viendrait effacer une zone naturelle fonctionnelle, alors même que ces milieux, reconnus pour leur extrême importance biologique, sont détruits les uns derrière les autres.
Trois associations s'y sont regroupées, Sur un air de Terre, Sauvegarde du Littoral Guilviniste et Bretagne Vivante. Ce collectif est ouvert et demande que le projet fasse l'objet d'une concertation et d'études, tant au plan de la biodiversité qu'au plan patrimonial dans son acceptation la plus large possible.
Grand Gravelot -Michel Cossec
Détruire un milieu vivant, au nom d'une éternelle fuite en avant ?
Ce document vous propose de prendre connaissance, dans les mesures des informations mises à dispositions, des implications d'un tel projet. Il souhaite insister sur la nécessité de plus en plus évidente qu'il y a à maintenir, tant le fonctionnement des grands équilibres naturels que de l'intérêt à transmettre à nos enfants les éléments culturels, paysagers qui sont rien moins que la mémoire de nos aïeux.
À l'évidence, notre appréciation du projet diverge d'avec celle de ses promoteurs, mais c'est le jeu de la démocratie que chacun puisse faire valoir sa liberté de penser.
À propos de l'espace estuarien encore fonctionnel et situé en arrière de notre port, les initiateurs du projet parlent de "reconquérir une zone industrielle", nous préfèrons considérer qu'il s'agit là d'une zone fortement réduite, soit, mais qui est, de façon incontestable, restée d'une richesse et d'une vitalité remarquables. En aucune mesure d'"une flaque" comme le précisait l'un d'entre eux, mais un milieu d'une grande biodiversité, fut-elle le résultat d'une "renaturalisation".
Le projet d'un port de plaisance peut être jugé exemplaire, y compris par un ministère de l'environnement, pour peu qu'il s'agisse de réhabiliter une zone industrielle. Prétendre à un réemploi exemplaire des sédiments résultant du creusement, prétendument propres, est prématuré. Sans doute ce discours s'est-il construit sur la base de l'étude de faisabilité réalisée à l'initiative du SIVU. Malheureusement, les seuils de pollution (N1 et N2) sont arbitrairement fixés par les représentant des ports industriels. En d'autres termes par les pollueurs eux-mêmes. Sans doute, une analyse lors de carottages plus profonds sera t-elle moins concluante.
Au mieux, les résultats auront permis d'obtenir le financement d'un poste tel que celui de l'ingénieur en charge du dossier, guère plus. En aucun cas ceci ne nous paraît constituer une labellisation verte pour un tel projet. Nous sommes bel et bien devant le principe de la destruction d'un milieu productif. Madame Joëlle Prévot-Madère, rapporteure, n'a d'ailleurs pas manqué d'évoquer l'importance des zones estuariennes lors de la présentation de son rapport sur la future politique commune des pêches lors de sa récente prestation au CLC du Guilvinec.
Bien mieux, les sédiments sont annoncés propres (les promoteurs l'entendent au sens industriel) : à la bonne heure (nous l'entendons au sens naturaliste)!
Il existe un documentaire remarquable de Pierre Molo et Yves Trellu, réalisé avec la participation du Comité Local des Pêches du Guilvinec et les élèves du Lycée Maritime et aquacole du Guilvinec "Sauvons la Seiche". Précisons tout de suite que la seiche n'est pas la seule espèce concernée et que la continuité de la vie dans nos océans passe immanquablement par un de ces maillons premiers : le milieu estuarien. Malheureusement, le mercantilisme, l'ignorance de leur importance, effacent ces zones les unes après les autres. C'est bien le sens des législations qui se mettent actuellement en place et que je ne vous ferai pas l'affront de vous rappeler.
Aigrette garzette - Michel Cossec
Une mer poissonneuse est à notre sens plus porteuse d'avenir que d'hypothétiques emplois autour d'un parking à bateaux. Sait-on combien d'emplois a généré le catastrophique port de plaisance de Loctudy, combien il coûte pour simplement rester à flot? À Port-la-Forêt "le goémon pousse sur la coque des voiliers"… Trois jours de navigation par an en moyenne (Bigouden Tv). Dans de telles conditions, comment justifier la destruction d'un milieu essentiel à la pérennité d'un écosystème?
Revenons à ce documentaire…
"Alors cette seiche si elle vient dans les estuaires ou auprès des côtes ce n'est pas un hasard, elle y vient pondre", Patrick Saigot, Cempama de Beg-Meil.
Je me permets encore de rappeler les paroles de René Pierre Chever (Comité local des pêches du Guilvinec) dans ce documentaire : il importe "de faire en sorte que les œufs puissent éclore tranquillement et que les petites seiches retournent dans l'estuaire et de l'estuaire dans la mer côtière et de la mer côtière en eau profonde... "
Décaisser de plusieurs mètres une vasière n'est pas respecter le fonctionnement d'un milieu.
À l'heure où le législateur tente de réguler la boulimie d'espace de nos sociétés et ses effets de plus en plus irréversibles, alors même que de nouvelles législations sont déjà en place, il est une autre manière d'envisager le projet.
La commune voisine de Plobannalec cherche un financement pour réhabiliter la ria de Lesconil, port lui-même aujourd'hui "sans emploi" : d'un côté détruire une ria pour construire un port, de l'autre réhabiliter une ria et rendre un usage à un port déjà existant et au bord de la désaffection. De quel côté semble aller la logique ? La balance des emplois envisagés devrait s'équilibrer, à quelques kilomètres près… Tout cela pour un moindre coût. Au moins sommes-nous en droit d'attendre que la question soit envisagée, si on considère que l'intérêt général prévaut. Vaste débat, dont nous ne pourrons faire longtemps encore l'économie.
Des contradictions du Ministère de l'Environnement...
Alors que la communication ce texte n'est pas encore faite, une annonce est publiée dans la presse (O.F. le 07/02/2012): le projet de renaturalisation du Steir de Lesconil vient d'être récompensé par la ministre de l'environnement, Mme Kosciusko-Morizet… Est-il seulement encore temps de se poser la question de la justification d'un tel gâchis ?
Un dossier avait été publié par la revue Cap Caval voilà une vingtaine d'année sur la situation et le devenir de ce bras de mer, déjà fortement mal mené par l'action de l'homme.
La lecture la plus immédiate qui peut être faite de l'actualité d'aujourd'hui, c'est qu'il aura fallu bien des années pour que la raison l'emporte, des investissements à venir conséquents pour que cet estuaire puisse un jour retrouver une fonctionnalité meilleure.
Faut-il encore renouveler ce douloureux constat d'une emprise humaine à contre emploi eu égard à l'intérêt général et le long terme ? Il faut encore ne pas oublier que, si la réhabilitation du steir de Lesconil est effectivement menée à bien, sa fonctionnalité ne retrouvera son rythme de croisière qu'au bout d'une trentaine d'années. Détruire et réhabiliter pleinement, c'est déjà le temps d'une génération.
Chevalier Gambette et Tournepierres photographiés sur le site - Alain Thomas
Région Bretagne, décembre 2007 et la Charte des espaces côtiers bretons :
le non-respect des textes adoptés
Dans le cadre d'une législation de plus en plus soucieuse de respecter tant le vivant que ses milieux, dans celui du redéploiement de l'occupation des espaces urbains (SCOT), l'actuel projet sur l'arrière port guilviniste est bien un contresens fabuleux !
Si par ailleurs, on comprend bien tout l'intérêt à court terme que la commune du Guilvinec peut retirer de ce projet, en revanche, les choses sont moins claires concernant la commune de Tréffiagat.
On peut encore envisager la pagaille portuaire, le projet est actuellement le seul qui prévoit une zone de loisirs en arrière d'une zone de travail… On peut aussi s'imaginer le flegme du marin bigouden, vers 17h, après sa journée de mer, compréhensif, ou peut-être pas. Parce qu'on lui aura dit "il va y avoir des emplois, c'est sûr, des vrais". Ou peut-être pas.
Cela rappelle un projet fou, un village vacances, du côté de Plovan, il y a une vingtaine d'années, c'était sûr, des emplois toute l'année... Ou peut-être pas.
Vous l'aurez compris le questionnement est non pas de l'ordre de la faisabilité mais de celui de l'éthique.
Et puis comment considérer le monde à l'échelle de notre seule génération ? Nous ne transmettons pas la terre à nos enfants, nous la leur empruntons, maxime connue de tous… Alors, il nous appartient de tout faire pour que le monde cesse de n'être qu'un monde qui court à une banalisation outrancière.
Cesse d'être un monde qui court à l'effacement.
Au plan de sa pérennité, pour nous inquiéter d'avantage de l'amont que de l'aval ; selon les termes de Jean Paul Delevoye, pour anticiper les évolutions plutôt que de les subir
"La zone côtière est, pour la Bretagne, une chance et une responsabilité".
Jean Yves Le Drian, Président du conseil régional de Bretagne
Des analyses récentes faites dans le cadre des études de milieux inhérentes à de tels projets montrent que
les vases de l'estuaire sont étonnamment préservées.
Les promoteurs du projets s'en réjouissent, elles vont pouvoir servir de remblai "propre"
(c'est l'habillage "vert" )
Nous aussi !
A l'évidence, s'il en fallait encore la preuve, le milieu est fonctionnel et productif !
CHERCHEZ L'ERREUR